dimanche 21 décembre 2014

Adieu DaTeh

Les préparatifs de Noêl vont bon train à la paroisse. L'église a fait peau neuve grâce à la quinzaine de paysans que PH nourrit le midi et paie 1,25 € par jour de travail.
Pour ce prix-là, aucun équipement n'est fourni, naturellement : alors, ils montent les échafaudages installés sur des bidons et travaillent sur le toit de l'église ou le clocher, en tongs ou pieds nus, sans casque, ni masque, ni harnais. Ils sont agiles comme des singes, à l'exception près que les singes se balancent sur la queue. 
Personne n'a chu, il faut donc qu'ils aient la foi. De toutes manières, il y avait du monde sur place  pour leur donner les saints sacrements, donc aucun blème.


Les travaux de réfection auront duré plus d'un mois pendant lequel les bruits de scie, de marteau et de meuleuse se sont rajoutés aux cloches matinales et aux coqs acariâtres.

La crèche est installée, les décorations le seront ce soir, l'agitation est à son paroxysme. PH court partout et surveille chacun des ouvriers.

Autant dire que pour se reposer aussi bien que pour travailler, les conditions n'étaient pas optimales.
Ailleurs, peu de décorations apparaissent.


Naturellement, rien sur la voie publique n'indique que les fêtes de fin d'année approchent. C'est un pays laïc qui ne célèbre que la  fête du Têt (au choix,  de cochon, de veau, de nœuds, ....) vers la mi février. Chez les commerçants, de maigres guirlandes décorent quelques vitrines.

J'entame ma dernière semaine à Dateh.

Déjà !! le temps est si passé vite, ici. Sur le plan professionnel, on y voit infiniment plus clair au risque de découvrir des résultats surprenants : en tous les cas, plusieurs centaines de paysans ont vu leurs revenus s'accroître et cela devrait continuer. Les outils ont été mis en place, l'organisation adaptée, restera à mon successeur de surveiller le bon fonctionnement  du projet.

Dans une semaine donc, je serai parti.

Adieu donc à mes fidèles coloc les margouillats  et les geckos qui me protégeaient (partiellement) de la morsure douloureuse des nombreux et voraces moustiques.
Adieu à mon logement spartiate, avec une larme pour mon lit dont la dureté a endolori mon dos et mon écope de d'eau chaude.
Adieu mes mangues quotidiennes dont la saveur ravit mes papilles à mon petit déjeuner.
Adieu à ces si gentilles vendeuses sur le marché qui chahutaient avec moi en éclatant d'un rire joyeux en dépit de leur bien modestes conditions.

Adieu à mes élèves d'anglais qui m'accueillent à grands saluts : "hello, Tony !" ( je me suis fait appelé Tony, car le vietnamien étant une langue monosyllabique, leur en mettre 3 avec Antoine était de leur créer un obstacle inutile).
Adieu à tous ces enfants et adolescents que je croise dans la rue et qui m'interpellent d'un sonore "Hello, how are you ?", les jeunes filles pouffant  (sans être pouffe) de rire, une main sur la bouche, heureuses d'avoir surmonté leur timidité.
Adieu à mon fidèle estaminet où le patron prépare un café noir dès mon apparition pour la modeste somme de 25 Cts €.
Adieu à cette station de canne à sucre dont je bois régulièrement un grand verre de jus pour 20 cts €.
Adieu à tous les estaminets où je m'arrête régulièrement pour une un en-cas impromptu, dont le patron me tend deux chaises taille enfant emboitées l'une dans l'autre, pour m'éviter de leur casser les pieds (aux chaises, pas aux autres).
Adieu mes compagnons de volley, qui font preuve de tant de gentillesse et de compassion à mon endroit (et à mon envers également), lorsque je loupe une balle si facile.
Adieu aux braves paysans qui remettent en cause leur manière de travailler dans le but d'améliorer leurs maigres revenus.
Adieu à tous les autres qui font sécher au soleil leurs récoltes de riz, de café ou de plantes médicinales.
Adieu et bonne continuation à l'équipe du projet qui fait preuve d'une si bonne volonté bravant leurs faibles compétences, pour la réussite du projet.
Adieu et merci à mes compagnons de repas qui ont si patiemment fait mon éducation gastronomique et linguistique (enfin, ils ont essayé). 
Adieu à la police et aux comités populaires qui se sont montrés si discrets dans la surveillance de mes déplacements et mes activités.
Adieu à tous les DaTehiers (habitants de Dateh, dont les épouses servent le thé, d'où les DaTehières), le chapeau conique (qui ? pardon, je des cones) vissé sur la tête, et le sourire collé aux lèvres, toujours prêts à se porter à notre aide.
Adieu la grande sérénité du lieu, si utile à l'équilibre de l'individu, où pas une fois je n'ai jamais entendu la formule d'accueil footballistique "enc....de ta mère", ou bien je ne l'ai pas compris..
Adieu aux routes pourries offrant des paysages sublimes, mais aux pièges nombreux et inattendus, à l'entretien approximatif.


Adieu à mon scoot pourri selon les normes européennes, mais presque neuf aux yeux des DaTehiers qui a transporté ma carcasse.
C'est  sur ce symbole que je terminerai mon dernier article rédigé à Dateh.

En effet, il traduit la grande imagination, voire l'intelligence, de ses utilisateurs pour répondre à leurs besoins de transport que j'ai quelques fois pu saisir dans les photos qui sont présentées ci-dessous. Au moment, où la commission européenne étouffe ses habitants par des normes aussi surprenantes qu'inutiles, la liberté quasi-totale laissée ici leur permet d'évoluer et d'avancer.


Siège moto norme QQ 007


Conduite accompagnée à partir de 18..........mois

Accroche toi bien petit !!!

Ah ! mon cochon !!!

Oh, la vache !!!

Attention à ne pas perdre mon chargement !


Mais où est donc Ikea ?

Vendeuse ambulante de poissons vivants



Transport exceptionnel de paniers d'osier


Transport combiné de personnes et de marchandises

Transport grandes longueurs


Ici, le chauffeur est à l'avant pour retenir le véhicule

A vendre, deux roues, toutes options,  bon état général, contrôle technique OK



Les scoot sont usés jusqu'à la corde

Convoi de bambous

Transport en surcharge

Transport de matières inflammables

Dépanneuse de vélos


Je garde encore un moment mon vocabulaire vietnamien, cette langue monosyllabique et sexotonale (aucune sexualité là-dedans, soyez rassurés, mais il y a 6 tons qui définissent la signification du mot),
Je conserve mon paquet de billets qui vont de 500 à 500 000  dongs, soit de 2 cts à 20 € (à ce prix-là, il n'y a pas de pièce) qui me seront utiles pour les deux semaines sur l'île de Phu Quoc avant de rentrer en France.

Le site vous présente l'enfer dans lequel je vais vivre à partir du 29 décembre et j'aurai une pensée pour vous, en Europe, blottis devant vos chauffages à savourer vos foies gras, huitres et dinde, tandis que moi, faute de me taper une dinde, je serai obligé de me contenter d'une malheureuse langouste grillée au bord d'une mer à l'eau turquoise me protégeant des ardents rayons du soleil sous un parasol qu'une aimable congaï m'aura installé sur une plage de sable blanc :
 http://homemadevietnam.com/voyage-au-vietnam/phu-quoc-1384.html#hotel_viet_thanh


Si vous ne recevez pas mon dernier article de là-bas, ne vous inquiétez pas, tout va bien.
Je rentre à Toulouse le 16 janvier, par  Hong-Kong et Frankfurt, si les équipages de Lufthansa n'ont pas la mauvaise idée de se mettre en grève.

Entre-temps, je vous souhaite un très Joyeux Noël, où que vous me lisiez.


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