samedi 25 octobre 2014

Dalat, un bain de fraîcheur mérité.


Certains m’écrivent pour me demander en quoi consiste ma mission, ce qui signifie que d’autres s'interrogent aussi voire, répondent à cette question par eux-mêmes. Pour être concis,
Je mets en place des outils de management professionnels afin de donner toutes les chances de réussite au beau projet décrit sur le site https://projetdanha2014.wordpress.com,  à des acteurs engagés mais inexpérimentés en matière de management de projet.
Le but de ce blog est de partager les impressions ressenties au Vietnam, les moyens de se faire comprendre et intégrer par une population et chaleureuse. Mes péripéties purement professionnelles  sont réservées au comité de direction. Mon bureau est situé ………………..dans ma chambre, puisqu’il n’y a pas de connexion internet à DaNha, et je fais régulièrement la navette.

Mes activités m’obligent à aller rendre visite à Caritas DaLat.

J’attends notre bus devant l’église avec mon pansement et PH, lorsqu’il remarque que ma valise ne comporte pas de cadenas : affolement général, le vicaire est chargé d’en trouver séance tenante et on m’explique qu’il y a plein de voleurs et que mon attitude est pour le moins désinvolte. C’est fou ce paradoxe: même dans la mission paroissiale,  tout le monde ferme à clé la porte de son logement, de solides cadenas interdisent l’accès à la réserve de nourriture dont seul Marie a la clé.
N’y aura-t-il pas de la paranoïa, puisque tout le monde laisse son casque sur leur scoot ?

Bref, le cadenas est trouvé juste avant l’arrivée  du bus

Dalat est situé à 170 km de Da Teh, soit 3,5h de bus environ, que l’on parcourt dans un minibus de 15 places 32 personnes prennent place.



Nous avons la chance de nous installer sur la banquette  derrière le chauffeur. Il roule à tombeau ouvert, même en traversant les nombreux villages, et klaxonne à tout va, autant pour avertir de son arrivée, que pour prendre des passagers sur la route. Peu lui chaut, il est sous la protection de la vierge ! Pas étonnant cependant qu'on dénombre plus de 10 000 morts sur les routes chaque année :et, comme, le Vietnam est largement moins équipé en véhicules individuels que la France, on s'imagine aisément le carnage. Je vais éviter de rouler la nuit, donc.
Le chauffeur passe un CD de musique de grands tubes internationaux tels que "guatanamera" ou "que sera" et se croit obligé de mettre le son au maximum. Bloqué de toutes parts, je n'ai rien d 'autre à faire que d'observer et de penser : je me rends compte qu'il n'y a pas la danse des Tongs, pourtant bien adaptée à l'environnement ; il va falloir y remédier. Le passager contre la vitre a réussi à s'endormir, nonobstant le bruit, les chaos, et la chaleur, car il n'y a pas la clim dans ce minibus.
A mi-chemin, le chauffeur me lance un regard noir dans lequel je lis qu’à ma place il aurait pu prendre 3 vietnamiens moyens !!! Le bus est en effet bondé, les gens sont assis les uns sur les autres. Le bus sert également de transport de marchandises qui se mettent comme elles  peuvent sous et entre les sièges, de facteur car il s’arrête pour prendre et redistribuer le courrier au bord de la route, bref il optimise son véhicule. Les surcharges récurrentes et l’état des routes se sont définitivement fâchés avec les amortisseurs. J’arrive moulu à Dalat, à une dénivellation positive de 1300 m, mais pour 4 € le trajet, on ne va d’autant moins se plaindre qu’il n’y a pas d’autres solutions.


Da Lat signifie en en K’Ho « la source des Lats », très ancienne ethnie, qui s’est fait remarquer pendant la guerre pour ses coups fulgurants  (les fameux coups de Lats).

Cette ville a été créée à la fin du 19ième siècle par le Dr Yersin, découvreur du bacille de la rage, dont un de ses descendants, Boris -une véritable peste -  a dirigé la Russie un siècle plus tard.
Dalat fut  un lieu de villégiature particulièrement prisé des les colons français pour son climat  tempéré, qui en font le « Paris vietnamien ».
Il y a même une (petite) tour Eiffel en guise de relais de télévision.

Sur les hauteurs, au milieu de forêts de pins, les riches villas aux styles architecturaux français variés ont été conservées. Depuis 1975, les communistes, enfin, les plus riches d’entre eux, ont  continué à construire de volumineuses maisons, dont l’architecture a été plus influencée par le style soviétique.
DaLat compte près de 200 000 habitants, et devenu véritable poumon maraîcher du pays. Les fruits, les légumes, les fleurs abondent. Les fraises, les mangoustans et autres ramboutans s'offrent à nos palais royaux. Il y a même du vin que je n'ai pas goûté.
La terre est riche, chaude, ocre et tranche avec cette verdure luxuriante.
Les théiers et les caféiers recouvrent les flancs des montagnes à perte de vue tout autour.

Non seulement je découvre un café d’un goût délicieux, mais également, que le Vietnam en est le deuxième producteur au monde derrière le Brésil. Grand’mère n’a qu’à bien se tenir !!!

Avant que le soleil ne chauffe l’atmosphère, la température est relativement fraîche et revigorante, aux environs de 20° C.
Mon  pansement est littéralement frigorifié nonobstant ses gants de laine, sa grosse écharpe et son blouson, même lorsqu’il se blottit derrière moi sur la moto que Caritas nous a prêtée. Nous sommes logés dans ce centre paroissial, construit depuis à peine 10 ans sur les hauteurs, à 5 km du centre ville. La vue est splendide et le centre se compose de plusieurs bâtiments imposant. Chacun de nous se voit installé dans un dortoir, aux lits aussi durs qu’à DaTeh (de ce jour).


Il y a des douches avec des mitigeurs, le luxe !!

Je souhaite profiter de ce séjour pour trouver ce qu’il n’y a pas à Dateh et choisir les restaurants : car, à Dateh (d’hier), même s’ils sont copieux, variés, goûtus, les menus sont subis, alors je souhaite qu’ils soient choisis (tiens, cela me rappelle quelque chose !).        

En dépit de ses 4 visites à Dalat dans le cadre de ses études de guide, mon pansement est incapable de me recommander un restaurant : ce garçon a vraiment les deux pieds dans la même tong !

La circulation en ville est infiniment plus dense qu’à Dateh, mais tout se passe bien, bien mieux que les vitesses de la moto.

Le monde est vraiment petit ! Par l’intermédiaire du vicaire de Dateh, je rencontre un homme qui a étudié jadis à l’université catholique de Dalat et connait un de mes amis, un grand diplomate, qui commença sa brillante carrière par y enseigner jusqu’en 1975 avant d’être chassé par les communistes.

Bref, cet Antoine, un Lat pure souche, veut absolument que je déjeune chez lui,le dimanche et vient me chercher à 9 heures pétantes, après la messe.
C’est gentil chez lui, je suis présenté à toute la famille ou presque (il a eu 12 enfants, 9 sont encore vivants) et nous déjeunons le cul sur la table : l’image est un peu directe certes, mais en fait, deux nattes sont étendues sur le sol et nous mangeons dessus. En Europe, on mange sur des nappes, ici, c’est sur des nattes ! Eux sont habitués, pas moi. 5 minutes après m’être assis en tailleur comme tout le monde, mes tendons forcent au point que je dois changer souvent de positions et, dans leur grande générosité, on m’offre un tabouret. On discute du passé, beaucoup du passé,

L’Antoine confond quelques fois les dongs et les piastres. Il m’explique que les communistes ont saisi toutes les propriétés catholiques à Dalat, en expulsant leurs propriétaires. Tous les vietnamiens ayant eu des relations professionnelles ou personnelles avec les français ou les américains sont interdits de poste dans l’administration ainsi que leurs enfants : et comme, dans ce pays socialiste, l’administration est toute puissante, il a dû partir dans la montagne pour travailler la terre alors qu’il avait une formation d’ingénieur. Il parle 4 langues, le français, l’anglais le K’Ho et le vietnamien.

J’évite les danses folkloriques et retourne tout seul à Dalat pour m’occuper de moi.

Je pars d’abord à la recherche d’un coiffeur et entre au hasard en centre ville dans un « salon », vide de client. Salon est vite dit, il est à peine moins vétuste que ceux de Dateh. Reste maintenant à se faire comprendre de la coiffeuse qui ne parle pas un traitre mot de français, d'anglais, de polonais, d'espagnol, d'allemand, de mandarin. Allons-y donc pour le langage des signes ! A chaque question, je réponds oui, au contraire des femmes, car je suis un homme positif et je ne risque pas grand-chose, ……………………………avant de voir ses outils de travail.
Là – me dis-je in petto – si elle me coupe, c’est le tétanos garanti, plus toutes les autre bactéries que portent ses outils. J’adopte l'immobilité d'une statue pendant la coupe, ne bougeant aucun muscle du haut du corps, entrant dans une profonde méditation, pendant qu’elle s’escrime sur mon cuir (de moins en moins) chevelu. Une demi-heure plus tard, je ressors des cheveux en moins, les autres pas trop mal coupés, surtout pour la modique somme de 2€.

J’entre chez une manucure dont le niveau de langue étrangère égale celui de sa collègue coiffeuse. Elles sont deux, une pour les pieds, l’autre pour les mains. La bassine des mains n’a posé aucune difficulté, il en a été autrement pour  celle pour des pieds : elle n’en avait d’assez grande pour contenir mon pied et les deux nanas étaient pliées de rire de voir mes orteils seuls tremper tandis que le talon reposait sur le bord de la bassine. Tout se passe bien en définitive, je m’acquitte de 2 € et maintenant le massage !!!



Deux salons de massage côte à côte attirent ma curiosité : l’un affiche fièrement le prix de 50 000 dongs et l’autre une vitrine riche et luxueuse. Je jette un coup d’œil au premier et me convainc vite que c’est un prix d’appel pour des prestations supplémentaires que la morale chrétienne, féministe et bourgeoise réprouve. Probablement influencé par mon environnement ecclésiastique, je pense que Satan l’habite et me tourne vers le second.
Il est  infiniment plus classe et  offre un massage aromatique pour 5 fois plus cher : au diable les varices,  et voilà qu’une masseuse tout de blanc sagement vêtue m’invite à chausser des tongs et à la suivre dans la salle de massage où trône une table, la lumière est tamisée et il est vrai que cela sent bon.
Par gestes, elle m’invite à me déshabiller et quand je commence à retirer le dernier rempart de ma virilité elle pousse un cri d’effroi en or frais, ou l’inverse un cri d’orfraie effrayant en me demandant de remballer cette marchandise qu’elle ne saurait voir.
C’est donc en caleçon qu’elle me masse. Pas elle en caleçon, moi. Quand à elle, elle se met un masque chirurgical sur le nez et la bouche, comme si elle craignait quelques insidieuses flatulences inopportunes. Ces circonstances pour le moins bizarres s’estompent vite et je me détends l’esprit et le corps.

Sur mon expérience récente au Laos et en Thaïlande, j’avais amené peu de vêtement me disant que je trouverai tout sur place. Grave erreur, il n’y a rien à ma taille à Dateh (de demain) et je profite du gros marché de Dalat pour aller me rhabiller. Grosse déception, rien n’est à ma taille, rien du tout, générant un problème de logistique vestimentaire. J’ai remarqué quelques ateliers de tailleurs à Dateh (?), le problème sera de  me faire comprendre.

Le lendemain, la directrice de Caritas m’invite à diner avec son équipe au restaurant, qu’elle choisit. C’est bruyant, très bruyant, coloré et sympathique et la carte est très fournie. Elle me demande si je mange de l’utérus de porc qui est excellent ici en salade.
Pris au dépourvu, je lui réponds oui, mais uniquement avec du pénis d’âne ou de cheval à la limite, parce que cela se marrie bien. Je continue en disant que je préfère nettement l’utérus de souris, dont le goût est plus fin et délicat.
Mon pansement m’informe qu’une des plus savoureuses spécialités vietnamiennes est le "caneton couvé". Et, le bougre de m’expliquer que l’on prépare un bouillon avec des légumes  on prend les poussins encore dans leur coquille, les sort et on les jette vivant dans ce bouillon. C’est plein de testostérone et très bon pour les hommes, ajoute-t-il. Bon allez, demain on se lève tôt car on rentre à Dateh (règles ?).


Le bus vient nous chercher à 6h30 : il est plus confortable que le premier, plus spacieux et doit compter une trentaine de places.
Il est vide, mais pour d’obscures raisons, le chauffeur ne nous permet pas de nous mettre aux places de devant. Nous partons directement chercher des vétérans de la guerre du Vietnam, en congrès à Dalat. Leur visage, marqué par l'âge et les épreuves qu'ils ont traversées, est creusé, émacié et toujours souriant. En dépit de leur âge plus qu’avancé, ils se ruent dans le bus comme s’ils attaquaient la colline de Dien Bien Phû. Naturellement, il y a plus de passagers que de places assises et le contrôleur, sans se démonter, sort les tabourets rouge empilés dans un coin du bus pour les coincer dans l’allée centrale à chaque rangée sur lesquels s’assoit le reste des passagers en avançant comme ils peuvent. En voyant cela, je me dis  que si le bus pile, un des vieux est propulsé comme un obus de 115mm.




L’arrêt pipi est campagnard et gratuit, dans la nature et les femmes ne se donnent pas la peine d’aller se cacher. Tous ensemble, tous ensemble, nous urinons et faisant fi de cette différence de sexes, la loi du genre est déjà appliquée ici depuis des lustres.
Des sacs de plastiques traduisent les arrêts fréquents et le manque de respect de la nature. Ségo devrait venir y faire un tour, je l'imagine bien se soulager au milieu des vietnamiens !!!






Après 4 heures de route, nous arrivons à Dateh où m’attend la première récolte de riz que je vous raconte bientôt.

vendredi 17 octobre 2014

Je me déplace !


Un véhicule de service m’est alloué. C’est très local, voire, d’un banal : un scooter donc.

PH me le présente et m’en montre les rudiments. Ici, la première des choses qu’on montre sur un véhicule, c’est le klaxon avant tout autre accessoire. Mon pansement (Emmanuel) pense que je suis incapable de conduire un tel engin s’installe d’autorité devant et m’invite à m’assoir derrière lui. Ma souplesse de caractère – plus que celle de mes écarts - me conduit à obtempérer et nous voilà partis derrière PH à Quoc Oai, petit village à 15 km de DaTeh (papiers ?) en suivant PH.

Je découvre le laboratoire de multiplication des plantains (vide) et les bananeraies cultivées par les minorités Ma & K’Ho (prononcez Kro, comme la Kro) où les deux techniciennes me donnent les explications.



A ma gauche, Dung, 25 ans 32 kg, à ma droite Sen, 24 ans 26 kg

18 000 bananiers plantés aux milieux des caféiers et autres anacardiers. La déforestation fait des ravages écologiques dans cette région et la ralentir, voire, l’arrêter est un des objectifs de ce projet.

La campagne ici est bucolique, les couleurs sont vives, les animaux d’élevage sont partout, souvent de manière isolée, les gens travaillent dans les champs et les rizières.






Elle ne va pas à l'école, trop chère.



Les buffles viennent faire le plein

PH entre dans une discussion animée à laquelle je ne comprends rien, tout comme mon pansement car elle se déroule en K’Ho. Il m’explique ensuite que les paysans ont préféré aller cueillir des pousses de bambous, et que cela leur apporte 4 000 Dongs pour 10 kg, une misère (0,16€) : il les achète et on les charge sur son scooter.

PH avec ses 10 kg de pousses de bambous
Avant de repartir il m’invite à aller rendre visite à un voisin dans sa maison. Là, la carte postale cède sa place à la misère. L’intérieur est sombre : dans la première pièce trône un petit téléviseur sur un tabouret en plastique et un poste de radio par terre qui datent des années 70. Une natte en paille couvre partiellement un sol de béton brut. Dans la pièce suivante, 2 hommes sont assis sur un lit : un bâton de bois, fixé par des ficelles à son tibia gauche lui sert d’attelle. PH me raconte qu’une moto lui l’a renversé et qu’elle lui a roulé sur la jambe en la fracturant.
« Pourquoi ne va-t-il pas à l’hôpital, j’ai vu un dispensaire à l’entrée du village ?

-          Parce qu’ici, on ne soigne pas les pauvres ! »

Mon regard embrasse la pièce. Il y n’a rien de superflu, il survit. Pas de toilettes, ses quelques vêtements sont accrochés à des clous, pas de vitre aux fenêtres, une ampoule poussiéreuse pend au plafond, tout y est gris, sombre.

PH lui tend un billet de banque, lui donne son paquet de cigarettes et nous sortons. Je ne fais pas de commentaires à la réponse de PH, parce que le livre « vivre avec les Vietnamiens »de Philippe PAPIN et Laurent PASSICOURT aux éditions de l’Archipel m’avait préparé à cette situation, mais c’est autre chose de la voir en réalité. J'en recommande la lecture, et pas seulement à mes amis socialistes.

Dehors, je retrouve le même paysage bucolique, mais je sais ce qu’il cache.
Cette anecdote justifie ma contribution à ce projet et je souhaite de tout cœur qu’il réussisse.

Nous reprenons nos scooters pour rentrer à DaTeh  et je prends le guidon, mon pansement me collant derrière : le vent me fait du bien.

C’est à ce moment que je constate que le frein arrière est inexistant et que le pneu avant est lisse.

Les règles de circulation sont assez simples : on fait ce qui nous arrange, quand on le veut, mais lentement. Et en définitive, tout se passe relativement bien. Le klaxon est l’instrument incontournable du conducteur. Il obéit à la définition du code de la route, avertisseur sonore : alors on avertit, constamment, on est averti en permanence, sans agressivité aucune, rajoutons à cela que de plus en plus de véhicules se sont fait installer un signal sonore de clignotant,  le signal sonore de recul des véhicules, les haut-parleurs fixés sur les scooters des vendeurs de rue, le bruit des moteurs, tout cela vous donne une idée de l’ambiance qui règne dans les rues.

A Dateh, c’est encore tout à fait supportable, car la bourgade est très étendue et très pauvre alors beaucoup de personnes circulent encore à vélo. A Dalat et Saigon, c’est une autre histoire.

Le peu de voitures particulières sont pratiquement toutes récentes et de grosses cylindrée. En revanche, il a  pas mal de bus (du mini au bus-couchettes) des camions

Je ne trouve pas l'adresse où livrer cet éléphant !!!
et beaucoup, beaucoup de deux roues qui transportent, au-delà du passager, des marchandises improbables.
Les visages des conducteurs sont masqués comme s’ils allaient braquer une banque : en fait, c’est pour se protéger de la poussière et du soleil. Car la mode en Asie est de ne pas être bronzé pour montrer qu’on ne travaille pas dans les champs. Je reconnais qu’il y a beaucoup de poussière et après deux peelings, je m’intéresse à l’achat d’un masque que l’on fixe derrière les oreilles. Mais ils sont dessiné pour les asiatiques et mon nez est trop long !! Le casque est obligatoire : alors cela va du casque intégral au casque militaire en passant par le casque de chantier. Les vietnamiens le mettent sur leur couvre-chef ce qui leur donne une drôle d'allure.







Un famille de Ma Da gui en promenade dominicale



Le dimanche, le père modèle promène sa famille

3 générations sur la même moto !
Lorsqu'il pleut, ce qui arrive tous les jours en ce moment, les conducteur enfile une grande cape en plastique, sous laquelle se protège le passager arrière.

On n'a pas l'air intelligent, n'est ce pas ?

Mon pansement m’explique que le gouvernement n’ayant pas d’argent pour améliorer les infrastructures routières, taxe l’importation des voitures à 300% et favorise l’achat de scoots (toujours prêts). Alors, les vietnamiens transportent tout sur leurs scooters, de leur famille jusqu’aux marchandises les plus improbables.

Mon scoot, maintenant réparé, me donne une liberté de circulation dont je profite largement.

Ce n’est pas pour améliorer mes maux de dos, mais, optimiste, je me ferai masser. J’ai repéré sur Google un salon de massage. Fichtre, il a fermé faute de client. Tant pis, je vais à Ma Da Gui, à 30 mn de scoot. Même déception, les deux salons repérés sur google  ont fermé pour la même raison. La région est donc vraiment pauvre et google n’est vraiment pas fiable.

Mes visites au marché suscitent la curiosité et l’hilarité (Clinton) des commerçants. Ils sont très cordiaux, souriants, joueurs, bons enfants.
Le contact passe bien et vite en dépit du blocage de la langue. Pour m’indiquer les prix, ils sortent la somme correspondante en billets et voilà. La variété des fruits et légumes est exceptionnellement étendue. Des gros pamplemousses sans jus, des oranges vertes, des graines de lotus,  des kakis (qui sont rouges comme leur nom de l’indique pas), des mangues, des ramboutans,  des mangoustans, des fruits du dragon, des grenades (ils ne sont pas rancuniers, après toutes celles qu’ils ont reçues !) : à la marchande, j’ai réussi à lui apprendre le nom d’une variété de grenade française, la BERNIE, mise au point par un grand botaniste provençal qui se reconnaitra peut être.

Les délicieuses chrysalides !



Le masque n'est pas contre l'odeur, quoique..........

Les escargots sont énormes !!!!

main droite, le fruit du dragon, mai gauche, euh j'en sais rien, mais c'est bon.

Et des bananes, bien sûr, mais nous en mangeons régulièrement à la paroisse, à la grande joie des convives. En effet, banane se dit « Chui » en vietnamien avant le ton montant. Selon le ton (et le temps ?) « chui » signifie balai, glisser et chapelet. Alors, les première fois, je me suis très naturellement planté et ils ont été morts de rire : j’ai dû dire un truc comme  « j’ai glissé sur un chapelet de bananes avec mon balai » Alors, ils me font dire « banane » avec l’accent montant et mécaniquement ma tête monte pour accompagner le ton, le phénomène inverse se produisant pour l’accent descendant, et là, ils sont pliés de rire à nouveau. Un rien les amuse, cela met un peu d’ambiance. Les repas sont toujours aussi copieux et variés, avec viandes et poissons, riz et légumes.
Je découvre encore beaucoup de mets et je ne demande ce que c'est que lorsque je trouve succulent : hier, j'ai eu des fleurs de bananiers en salade : un hectare  nectar  !!!!

Le marché ressemble à tous les marchés du sud-est  asiatique: les poissons sont vendus vivants dans l’eau pour garantir leur fraicheur, ce qui n’est pas le cas de la viande. On y va pour se ravitailler, car il n’y a pas de supermarché, j’y vais également pour l’ambiance et pratiquer mes quelques mots de vietnamien. Les vietnamiens n’ont pas peur du contact corporel et c’est ainsi qu’homme ou femme se touche le bras, l’épaule, le dos, voire le torse pour les hommes (mais jamais le cul, car ils n’en ont pas). C’est ainsi qu’au moment où je sortais mes billets de la poche intérieure de mon gilet reporter que je portais à même la peau, deux ou trois vendeuses m’ont tripoté le torse en se marrant comme des baleines.

Dans la rue, les vietnamiens à pied ou à deux roues m’interpellent avec un grand sourire pour me dire bonjour en anglais, pratiquant ainsi le peu d’anglais que les gens connaissent. En fait, je me sens bien ici.
Le soir, on dépit de ce qu’on peut croire, je ne m’ennuie pas. S’il ne pleut pas (ce qui arrive peu souvent), je sors pour une promenade digestive et je fais toujours des rencontres savoureuses.
Un soir, attiré par des projecteurs, je découvre un match de foot qui se joue sur un terrain de hand recouvert d’un gazon artificiel. Les deux équipes se donnent à fond devant des spectateurs. L’un d’entre eux m'invite à m’assoir et me propose, dans un anglais compréhensible, de jouer avec son équipe : mes compétences, ma condition physique et mon âge justifient que je décline sa sympathique invitation.
Un autre soir, je constate de l’activité dans une salle qui annonce des cours d’anglais : tiens, me dis-je,  voilà une occasion d’élargir mon spectre de relations, car, aussi gentils soient-ils, la compagnie ecclésiastique est un peu étouffante. Je tombe sur Quang qui donne des cours d’anglais à des enfants de 6 à 10 ans qui sont ravis de me voir, me parlent, me touchent, rigolent, tout comme le prof avec qui j’échange nos 09.
Pas plus tard qu’hier soir, je suis hélé (et zélé également) par un groupe de personnes qui épluchent un gros pamplemousse : gestuellement et onopatoméennement, il m’invite à le partager avec eux. J’en mange un quartier, reste un quart d’heure avec eux, on parle de tout et de rien, surtout de rien du reste, car le langage des gestes a ses limites et nous nous séparons heureux de cette rencontre :
 Qui dit qu’on s’ennuie le soir à Da Teh ?

mardi 7 octobre 2014

Spartiate, vous avez dit spartiate ?


Spartiate, vous avez dit spartiate ?

Ma chambre se situe au premier étage d’un bâtiment comprenant 4 logements, apparemment identiques : celui d’Emmanuel (toujours sans « le », dommage !) jouxte le mien.


Il est composé de 2 pièces (sans cuisine) et d’une salle d’eau.
Les murs sont de couleur jaune paille délavée, tacheté de noir /gris/vert sur le bas, mettant un peu de gaité dans cette uniformité lassante qu’aucune décoration murale, aucune plante ne vient briser. Le plafond est fait de fines lamelles de plastique vert clair emboitée à la "waneguen". L’ameublement est très sommaire.
Dans la 1ière pièce, un bureau, une chaise, une armoire et comble du luxe (exprès pour moi) un petit frigo. Au plafond, un ventilateur (3 vitesses quand même) brasse paresseusement l’atmosphère moite.
Dans la 2ième pièce, un lit et c’est tout. Le confort du matelas se situe entre le futon et la planche de médium 22 mm, et le sommier est fait de lattes en bois si raides qu’on pourrait penser que c’est du bois de fer. 2 oreillers, un traversin et un drap aux dessins fleuris. Aux 4 coins du lit, se dressent 4 bâtons  d’1m80 qui servent de support à ce que j’ai crû être une moustiquaire. Un air conditionné anémique produit plus de bruit que d’air froid.


La salle d’eau est à l’italienne le lavabo ne comporte qu’un robinet d’eau froide. Il y a bien un robinet d’eau chaude, mais il est fixé au mur, seul, à droite de l’évier, et sous le niveau dudit évier. Il est près du robinet de douche, branché sur l’eau froide. Aussi, pour avoir une douche chaude, il faut faire couler l’eau chaude dans un seau d’une vingtaine de litres, y rajouter un peu d’eau froide à partir de la douche et s’asperger à l’aide d’une écope laissée à cet effet. Cela me rappelle la méthode qu’utilisait ma bonne quand j’étais expatrié en Thaïlande : sauf que maintenant je ne suis plus expat,  j’ai choisi de vivre aux conditions locales et visiblement ce sont celles-là. En fait, la surprise passée on s’y fait vite, car il fait tellement chaud la journée qu’une douche fraîche est la bienvenue le soir. Quant au matin, cela ne prend guère plus de temps de faire son mélange d’eau et le temps ici a une autre valeur. PH a eu la gentille pensée de m’acheter un savon et du dentifrice. 2 vis de 50x4 rouillées  permettent de suspendre les serviettes.
Il n’y a pas de rideaux aux fenêtres (la poussière faisant office), mais de solides barreaux.
L’installation électrique ferait hurler plus d’un fan de Claude François : Tous les fils sont apparents, ou presque et ils sont connectés grâce à Mr Chaterton. Interrupteurs et prises jaillissent du mur. La douche est à peine à 30 cm d’un  interrupteur en saillie. Un néon au plafond éclaire chacune des pièces.



Je partage mes nuits avec les chauves-souris qui ont élu domicile sous le toit : le matin, je juge de leurs activités par la poussière ( ?) noire qui jonche le sol, en particulier de la salle d’eau.

En fait, en comparaison de ce que je verrai plus tard, j’habite un logement confortable, dans une région extrêmement pauvre. Si surprenant soit-il en arrivant, on s’en accommode très bien et vite.

Da Teh (au citron) se trouve au début des hauts plateaux, à une altitude relativement basse, 300 m.

Ici, l’année se divise en 2 saisons : celle de la pluie et la saison sèche. Je suis tombé à la saison des pluies mais il parait qu’elle devrait bientôt se terminer Chic ! Parce que la moitié de la journée est amputée par des pluies diluviennes. Dès potron-minet, les traces des pluies de la veille sont encore présentes, vers 8 heures, les nuages sont partis et le soleil chauffe de plus en plus fort jusqu’à 35°. L’après midi, le ciel  se couvre de nuages de plus en plus menaçants (j’ai lu cette expression bateau dans un livre), et,  à l’instar des fourmis, le tonnerre gronde,  des éclairs zèbrent le ciel (c’était dans le même livre) et l’orage éclate, déversant un rideau de  pluie sur les toits de tôle, générant  ainsi un  bruit assourdissant.

Alors, pour circuler, bonjour !  Les routes se vident et il faut ne pas être du coin pour rouler en deux roues sous cette pluie, comme moi !



Proche de l’équateur, la durée des nuits égale celle des jours tout au long de l’année : environ 5h30 – 17h30.

Ici, à la paroisse, les cloches de l’église annoncent les mâtines à 4h30 tous les matins ! Et si d’aventure, il nous prenait l’envie de nous rendormir, un rappel de cloches nous réveille à nouveau à 5h15 : là, les coqs voisins, sentant poindre le jour, prennent le relais et chantent jusqu’à, de guerre lasse, nous nous levions.

Tous les repas sont pris en commun dans la salle à manger, qui sert également de salle TV et de garage à scooter.

P’tit déj à 6 heures, déjeuner à 11h30 et diner à 18h30 sauf le samedi à 18 heures. Une sonnette retentit lorsque le repas est prêt.

Nous sommes une dizaine en moyenne autour d’une table ronde, que des hommes (je rappelle que nous nous trouvons dans une paroisse catholique), sauf la cuisinière, Marie (qui a pensé Godin ?!?). Les plats sont déposés sur le plateau tournant au centre, la télé gueule pour couvrir le bruit de la pluie.
Le repas ne peut pas commencer avant la prière prononcée par PH. On baisse le son de la télé. La prière  est en vietnamien, mais je peux comprendre qu’il remercie tout le monde (sauf le parti communiste, comme je le constaterai plus tard) au ciel pour cet excellent repas sur lequel nous allons nous précipiter. Fin de la prière, on remet le son de la télé et tout le monde se sert. Ma qualité d’étranger les intrigue. Premier repas, un des convives a voulu me faire passer des piments pour des lanternes. « Mon petit gars » lui ai-je dit in petto  « je ne suis pas né de la dernière pluie qui tombe actuellement ». Certains parlent plus ou moins bien le français qu’ils ont appris au séminaire à Dalat, avant 1975. Ce qui donne une idée sur la moyenne d’âge.
Le deuxième soir, ils m’ont fait boire un vin coréen, un infâme tord-boyau, qui ne se différencie du Destop que par l’emballage et la couleur.

Que ceux qui connaissent le repas authentique chinois en Chine passe ce paragraphe qui n’est pas accessible aux enfants de moins de 12 ans.
Naturellement, on ne mange qu’avec des baguettes. Le riz accompagne tous les repas. Ce qui de fâcheuses conséquences sur mes tuyauteries au bout d’une semaine ! Pour pallier cette situation de blocage interne, j’assaisonne de piment mon bol de riz et je ressors donc du repas la bouche en feu. Car, tout se passe autour de cette vaisselle centrale, le bol : rappelons-nous que l’expression « t’as pas de bol » vient directement d’Asie. Donc, on se sert en riz, sur lequel on rajoute la viande, le poisson et les légumes préalablement trempés dans une ou plusieurs sauces et on mange : je devrais plutôt dire on aspire, en plaquant le bol à sa lèvre inférieure, les baguettes servant à pousser la nourriture dans la bouche. Et que se passe-t-il quand on aspire trop d’air ? Le repas se termine avec un concert de rots en sol mineur et nettoyage de ratiches avec les cure-dents mis gentiment à disposition.

On mange tout de tout, la nourriture étant trop précieuse. Les crevettes sont mangées avec leur carapace (moi, novice, j’ai mis les doigts), les petits poissons avec la tête et les arêtes (cela passe mieux avec les poissons séchés). La viande avec son gras, la gorge et les tendons de porc sont particulièrement prisés (je les mastique encore).
Lorsque le morceau est trop gros pour être avalé d’une bouchée, on le met dans la bouche et on crache dans une petite assiette les os ou grosses arêtes.
J’évite de demander ce que je mange, car la tranquillité vient de l’ignorance. Mais, je suis tombé accidentellement sur Marie quand elle cuisinait des larves (chrysalides), les mêmes que j’avais vues au marché !! Elles étaient saisies à la poêle avec un peu d’ail. A table, tous les regards convergèrent vers moi après la prière. Vais-je en manger ? Un article m’est soudain revenu qui disait que les insectes et les larves seraient notre nourriture de demain, car leurs protéines remplacent de loin celles des animaux. Je vais donc prendre de l'avance : 1, 2, 3 , môt, hai, ba, j’y vais !!! ça craque sous la dent, la chair farineuse envahit ma bouche (j’en ai pris plusieurs d’un coup) et le goût n’est pas si mauvais. Certes, je les avais trempés dans du piment pour la première bouchée, mais ensuite, je les prises sans assaisonnement.




Le groupe semble m'avoir adopté, je mange de tout comme les vietnamien dit PH. Il me demande pourquoi je ne suis pas comme les autres français qui ergotaient sur la nourriture. Parce que la France est (encore ?) un pays riche.

Le pays est riche de saveurs inconnues que je découvre au marché. J’avoue que je cale pour le petit déj : manger la soupe aux nouilles, le Phô, à 6 h 30, le matin, est (pour le moment au dessus de mes possibilités). Alors, faute de müesli et de yaourt, de tartines grillées et de nutella, force m’a été de me rabattre sur les fruits et sur une espèce de  trois tiers que j’ai acheté au marché : le trois tiers est exactement comme le quatre quart, le beurre en moins. Me voyant ainsi désemparé, PH m'a acheté deux plaquettes de beurre (doux et demi-sel), moi qui n'en mange jamais.

Le soir, après le diner, je regarde les infos à la télé en compagnie de PH. Bien sûr, je ne comprends rien à la langue vietnamienne qui est si difficile que je me demande bien comment les habitants de ce pays font pour se comprendre eux-mêmes !! Pourtant, cela ne doit pas si dur, puisque les enfants arrivent à la parler. La télé, comme les magasins, donne une idée des mœurs du pays. Et puis, PH me dit de temps à autres ce qui se passe et, conjugué aux images, cela ne manque pas d’intérêt. Beaucoup d’actualités portent sur les relations internationales dans la région et ce qu’on y apprend n’est pas dénué d’intérêts. C’est ainsi qu’une délégation vietnamienne est partie aux USA pour acheter des armes : pas rancuniers les mecs ! 
Les 2 buts du match PSG/Monaco ont même été retransmis aux infos vietnamiennes.

Je suis le seul étranger dans Da Teh (matique) qui compte 20 000 habitants et donc je fais sensation, surtout quand je vais au marché, sans Emmanuel à son grand dam (de pique), car c’est pour moi le meilleur moyen d’apprendre vite des rudiments de vietnamien. Souvenons-nous de ce qu'a dit le grand Hô Chi Minh :
quand il y en a un, ça va, c’est quand ils sont plusieurs qu’ils mettent le bordel 
Et il n’avait pas tort, la preuve, les français sont venus en masse au milieu du 19ième siècle et ça s’est terminé en guerre, même chose avec les américains !!!

La méconnaissance de la langue créée des quiproquos gênants. J’ai pris un café (excellent, avec un arrière goût de chocolat, succulent !!) à la terrasse d’un café avec Emmanuel. Je dis bonjour en  vietnamien, Emmanuel corrige mes intonations, on le boit, je dis merci en vietnamien, Emmanuel corrige mon intonation et on se lève pour partir quand la (jolie) serveuse me dit « ta bite ». Qu'est-ce qu’elle a « ma bite » lui demandé-je en me retournant vivement et Emmanuel me traduit que cela veut dire « au revoir » en vietnamien. Voilà un mot que je ne suis pas près d’oublier !!!

La suite de mon intégration au prochain épisode.