mardi 7 octobre 2014

Spartiate, vous avez dit spartiate ?


Spartiate, vous avez dit spartiate ?

Ma chambre se situe au premier étage d’un bâtiment comprenant 4 logements, apparemment identiques : celui d’Emmanuel (toujours sans « le », dommage !) jouxte le mien.


Il est composé de 2 pièces (sans cuisine) et d’une salle d’eau.
Les murs sont de couleur jaune paille délavée, tacheté de noir /gris/vert sur le bas, mettant un peu de gaité dans cette uniformité lassante qu’aucune décoration murale, aucune plante ne vient briser. Le plafond est fait de fines lamelles de plastique vert clair emboitée à la "waneguen". L’ameublement est très sommaire.
Dans la 1ière pièce, un bureau, une chaise, une armoire et comble du luxe (exprès pour moi) un petit frigo. Au plafond, un ventilateur (3 vitesses quand même) brasse paresseusement l’atmosphère moite.
Dans la 2ième pièce, un lit et c’est tout. Le confort du matelas se situe entre le futon et la planche de médium 22 mm, et le sommier est fait de lattes en bois si raides qu’on pourrait penser que c’est du bois de fer. 2 oreillers, un traversin et un drap aux dessins fleuris. Aux 4 coins du lit, se dressent 4 bâtons  d’1m80 qui servent de support à ce que j’ai crû être une moustiquaire. Un air conditionné anémique produit plus de bruit que d’air froid.


La salle d’eau est à l’italienne le lavabo ne comporte qu’un robinet d’eau froide. Il y a bien un robinet d’eau chaude, mais il est fixé au mur, seul, à droite de l’évier, et sous le niveau dudit évier. Il est près du robinet de douche, branché sur l’eau froide. Aussi, pour avoir une douche chaude, il faut faire couler l’eau chaude dans un seau d’une vingtaine de litres, y rajouter un peu d’eau froide à partir de la douche et s’asperger à l’aide d’une écope laissée à cet effet. Cela me rappelle la méthode qu’utilisait ma bonne quand j’étais expatrié en Thaïlande : sauf que maintenant je ne suis plus expat,  j’ai choisi de vivre aux conditions locales et visiblement ce sont celles-là. En fait, la surprise passée on s’y fait vite, car il fait tellement chaud la journée qu’une douche fraîche est la bienvenue le soir. Quant au matin, cela ne prend guère plus de temps de faire son mélange d’eau et le temps ici a une autre valeur. PH a eu la gentille pensée de m’acheter un savon et du dentifrice. 2 vis de 50x4 rouillées  permettent de suspendre les serviettes.
Il n’y a pas de rideaux aux fenêtres (la poussière faisant office), mais de solides barreaux.
L’installation électrique ferait hurler plus d’un fan de Claude François : Tous les fils sont apparents, ou presque et ils sont connectés grâce à Mr Chaterton. Interrupteurs et prises jaillissent du mur. La douche est à peine à 30 cm d’un  interrupteur en saillie. Un néon au plafond éclaire chacune des pièces.



Je partage mes nuits avec les chauves-souris qui ont élu domicile sous le toit : le matin, je juge de leurs activités par la poussière ( ?) noire qui jonche le sol, en particulier de la salle d’eau.

En fait, en comparaison de ce que je verrai plus tard, j’habite un logement confortable, dans une région extrêmement pauvre. Si surprenant soit-il en arrivant, on s’en accommode très bien et vite.

Da Teh (au citron) se trouve au début des hauts plateaux, à une altitude relativement basse, 300 m.

Ici, l’année se divise en 2 saisons : celle de la pluie et la saison sèche. Je suis tombé à la saison des pluies mais il parait qu’elle devrait bientôt se terminer Chic ! Parce que la moitié de la journée est amputée par des pluies diluviennes. Dès potron-minet, les traces des pluies de la veille sont encore présentes, vers 8 heures, les nuages sont partis et le soleil chauffe de plus en plus fort jusqu’à 35°. L’après midi, le ciel  se couvre de nuages de plus en plus menaçants (j’ai lu cette expression bateau dans un livre), et,  à l’instar des fourmis, le tonnerre gronde,  des éclairs zèbrent le ciel (c’était dans le même livre) et l’orage éclate, déversant un rideau de  pluie sur les toits de tôle, générant  ainsi un  bruit assourdissant.

Alors, pour circuler, bonjour !  Les routes se vident et il faut ne pas être du coin pour rouler en deux roues sous cette pluie, comme moi !



Proche de l’équateur, la durée des nuits égale celle des jours tout au long de l’année : environ 5h30 – 17h30.

Ici, à la paroisse, les cloches de l’église annoncent les mâtines à 4h30 tous les matins ! Et si d’aventure, il nous prenait l’envie de nous rendormir, un rappel de cloches nous réveille à nouveau à 5h15 : là, les coqs voisins, sentant poindre le jour, prennent le relais et chantent jusqu’à, de guerre lasse, nous nous levions.

Tous les repas sont pris en commun dans la salle à manger, qui sert également de salle TV et de garage à scooter.

P’tit déj à 6 heures, déjeuner à 11h30 et diner à 18h30 sauf le samedi à 18 heures. Une sonnette retentit lorsque le repas est prêt.

Nous sommes une dizaine en moyenne autour d’une table ronde, que des hommes (je rappelle que nous nous trouvons dans une paroisse catholique), sauf la cuisinière, Marie (qui a pensé Godin ?!?). Les plats sont déposés sur le plateau tournant au centre, la télé gueule pour couvrir le bruit de la pluie.
Le repas ne peut pas commencer avant la prière prononcée par PH. On baisse le son de la télé. La prière  est en vietnamien, mais je peux comprendre qu’il remercie tout le monde (sauf le parti communiste, comme je le constaterai plus tard) au ciel pour cet excellent repas sur lequel nous allons nous précipiter. Fin de la prière, on remet le son de la télé et tout le monde se sert. Ma qualité d’étranger les intrigue. Premier repas, un des convives a voulu me faire passer des piments pour des lanternes. « Mon petit gars » lui ai-je dit in petto  « je ne suis pas né de la dernière pluie qui tombe actuellement ». Certains parlent plus ou moins bien le français qu’ils ont appris au séminaire à Dalat, avant 1975. Ce qui donne une idée sur la moyenne d’âge.
Le deuxième soir, ils m’ont fait boire un vin coréen, un infâme tord-boyau, qui ne se différencie du Destop que par l’emballage et la couleur.

Que ceux qui connaissent le repas authentique chinois en Chine passe ce paragraphe qui n’est pas accessible aux enfants de moins de 12 ans.
Naturellement, on ne mange qu’avec des baguettes. Le riz accompagne tous les repas. Ce qui de fâcheuses conséquences sur mes tuyauteries au bout d’une semaine ! Pour pallier cette situation de blocage interne, j’assaisonne de piment mon bol de riz et je ressors donc du repas la bouche en feu. Car, tout se passe autour de cette vaisselle centrale, le bol : rappelons-nous que l’expression « t’as pas de bol » vient directement d’Asie. Donc, on se sert en riz, sur lequel on rajoute la viande, le poisson et les légumes préalablement trempés dans une ou plusieurs sauces et on mange : je devrais plutôt dire on aspire, en plaquant le bol à sa lèvre inférieure, les baguettes servant à pousser la nourriture dans la bouche. Et que se passe-t-il quand on aspire trop d’air ? Le repas se termine avec un concert de rots en sol mineur et nettoyage de ratiches avec les cure-dents mis gentiment à disposition.

On mange tout de tout, la nourriture étant trop précieuse. Les crevettes sont mangées avec leur carapace (moi, novice, j’ai mis les doigts), les petits poissons avec la tête et les arêtes (cela passe mieux avec les poissons séchés). La viande avec son gras, la gorge et les tendons de porc sont particulièrement prisés (je les mastique encore).
Lorsque le morceau est trop gros pour être avalé d’une bouchée, on le met dans la bouche et on crache dans une petite assiette les os ou grosses arêtes.
J’évite de demander ce que je mange, car la tranquillité vient de l’ignorance. Mais, je suis tombé accidentellement sur Marie quand elle cuisinait des larves (chrysalides), les mêmes que j’avais vues au marché !! Elles étaient saisies à la poêle avec un peu d’ail. A table, tous les regards convergèrent vers moi après la prière. Vais-je en manger ? Un article m’est soudain revenu qui disait que les insectes et les larves seraient notre nourriture de demain, car leurs protéines remplacent de loin celles des animaux. Je vais donc prendre de l'avance : 1, 2, 3 , môt, hai, ba, j’y vais !!! ça craque sous la dent, la chair farineuse envahit ma bouche (j’en ai pris plusieurs d’un coup) et le goût n’est pas si mauvais. Certes, je les avais trempés dans du piment pour la première bouchée, mais ensuite, je les prises sans assaisonnement.




Le groupe semble m'avoir adopté, je mange de tout comme les vietnamien dit PH. Il me demande pourquoi je ne suis pas comme les autres français qui ergotaient sur la nourriture. Parce que la France est (encore ?) un pays riche.

Le pays est riche de saveurs inconnues que je découvre au marché. J’avoue que je cale pour le petit déj : manger la soupe aux nouilles, le Phô, à 6 h 30, le matin, est (pour le moment au dessus de mes possibilités). Alors, faute de müesli et de yaourt, de tartines grillées et de nutella, force m’a été de me rabattre sur les fruits et sur une espèce de  trois tiers que j’ai acheté au marché : le trois tiers est exactement comme le quatre quart, le beurre en moins. Me voyant ainsi désemparé, PH m'a acheté deux plaquettes de beurre (doux et demi-sel), moi qui n'en mange jamais.

Le soir, après le diner, je regarde les infos à la télé en compagnie de PH. Bien sûr, je ne comprends rien à la langue vietnamienne qui est si difficile que je me demande bien comment les habitants de ce pays font pour se comprendre eux-mêmes !! Pourtant, cela ne doit pas si dur, puisque les enfants arrivent à la parler. La télé, comme les magasins, donne une idée des mœurs du pays. Et puis, PH me dit de temps à autres ce qui se passe et, conjugué aux images, cela ne manque pas d’intérêt. Beaucoup d’actualités portent sur les relations internationales dans la région et ce qu’on y apprend n’est pas dénué d’intérêts. C’est ainsi qu’une délégation vietnamienne est partie aux USA pour acheter des armes : pas rancuniers les mecs ! 
Les 2 buts du match PSG/Monaco ont même été retransmis aux infos vietnamiennes.

Je suis le seul étranger dans Da Teh (matique) qui compte 20 000 habitants et donc je fais sensation, surtout quand je vais au marché, sans Emmanuel à son grand dam (de pique), car c’est pour moi le meilleur moyen d’apprendre vite des rudiments de vietnamien. Souvenons-nous de ce qu'a dit le grand Hô Chi Minh :
quand il y en a un, ça va, c’est quand ils sont plusieurs qu’ils mettent le bordel 
Et il n’avait pas tort, la preuve, les français sont venus en masse au milieu du 19ième siècle et ça s’est terminé en guerre, même chose avec les américains !!!

La méconnaissance de la langue créée des quiproquos gênants. J’ai pris un café (excellent, avec un arrière goût de chocolat, succulent !!) à la terrasse d’un café avec Emmanuel. Je dis bonjour en  vietnamien, Emmanuel corrige mes intonations, on le boit, je dis merci en vietnamien, Emmanuel corrige mon intonation et on se lève pour partir quand la (jolie) serveuse me dit « ta bite ». Qu'est-ce qu’elle a « ma bite » lui demandé-je en me retournant vivement et Emmanuel me traduit que cela veut dire « au revoir » en vietnamien. Voilà un mot que je ne suis pas près d’oublier !!!

La suite de mon intégration au prochain épisode.

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